BUREAU OF PUBLIC SECRETS


 

 

DOCUMENTS
du soulèvement anti-CPE en France

 

Chroniques du 6 avril 2006 (AFP et Libération)
Appel aux étrangers
Vive le Blocage général sauvage
Ouvrir la brèche
Tout est possible...
Hard Blocking (extraits)
Crédibilité, quand tu nous tiens... (extraits)
Victoire!

 

 

Série d’actions éclair anti-CPE à travers la France


Ils ont bloqué des gares, des ponts, des routes, un peu partout en France: les jeunes manifestants anti-CPE ont multiplié jeudi les actions éclair, alors que les principaux syndicats d’étudiants et de lycéens, déçus de leur rencontre avec les parlementaires UMP, ont appelé à poursuivre le mouvement.

Quarante-cinq universités étaient perturbées jeudi, mais les cours y avaient lieu, et huit étaient bloquées ou fermées, tandis que trente-une fonctionnaient normalement, selon le ministère de l’Education nationale.

Après avoir rencontré les parlementaires UMP pour discuter du Contrat première embauche, les leaders étudiant et lycéen, Bruno Julliard (Unef) et Karl Stoeckel (UNL), ont appelé à la poursuite de la mobilisation, l’Unef souhaitant même “une intensification”.

Toute la journée, les actions coup de poing ont visé plusieurs gares.

Dans la capitale, quelque 1.400 lycéens et étudiants selon la police, “2.000 à 3.000” selon la SNCF, sont restés pendant une heure et demie sur les voies ferroviaires, près de la gare du Nord, après avoir déjà interrompu pendant 15 minutes le trafic de la gare Saint-Lazare.

Puis les jeunes manifestants ont tenté de pénétrer sur le périphérique, dont l’accès était barré par les forces de l’ordre. Porte de la Chapelle, certains manifestants se sont servis d’un bus vide comme bélier pour percuter des cars de gendarmerie.

À Toulouse, cinq étudiants et un fonctionnaire de police ont été légèrement blessés, selon les pompiers, lors de l’évacuation musclée des voies de la gare Matabiau, bloquée pendant près de deux heures. Dans la banlieue toulousaine, étudiants et syndicalistes ont bloqué plusieurs accès des usines Airbus.

À côté du campus universitaire de Grenoble, une petite centaine d’étudiants, munis de nez de clowns, avec des codes barres dessinés sur la peau, ont envahi un supermarché pendant une heure, aux cris de “consommez, consommez, nous, on nous a soldés”.

À Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), des étudiants et lycéens ont bloqué pendant deux heures les accès routiers à la zone industrielle du port, tandis qu’à Rennes, des centaines d’étudiants ont envahi la faculté de Droit, qui n’est pas en grève, et saccagé le local du syndicat étudiant UNI, proche de l’UMP et favorable au CPE.

Devant la cathédrale de Rouen, un lycéen de Grand-Couronne, âgé de 18 ans, fait depuis huit jours la grève de la faim contre le CPE.

Environ 150 lycéens et étudiants ont bloqué durant plus d’une heure et demie le pont de l’Europe, sur le Rhin, entre Strasbourg et Kehl (Allemagne).

Près de Reims, sur l’autoroute A4, plusieurs dizaines de lycéens ont mené une opération “péage gratuit” de 08h00 à 10h00 et la circulation a été paralysée à Limoges une bonne partie de la journée par des barrages.

AGENCE FRANCE PRESSE
(6 avril 2006)

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CPE: la mobilisation ne fléchit pas


Les opérations coups de poing pour protester contre le contrat première embauche se sont multipliées jeudi dans toute la France. Envahissements de voies ferrées et blocages de routes ont perturbé les transports.

Envahissements de voies ferrées, blocages de routes, les opposants aux CPE ont multiplié les actions coups de poing, jeudi, dans toute la France.

À Paris, après la gare de l’Est dans la matinée, au moins un millier de lycéens et étudiants ont brièvement envahi les voies de la gare Saint-Lazare, puis pendant une heure et demie celles de la gare du Nord, interrompant la circulation des trains. À la gare du Nord, des manifestants ont jeté des pierres en direction des forces de l’ordre. Les voies d’accès à l’aéroport d’Orly avaient également été perturbées dans la matinée par des manifestants.

À Toulouse, plusieurs centaines de personnes ont envahi les voies ferrées en plusieurs points de la ville. Dans la banlieue toulousaine, des étudiants et des syndicalistes ont bloqué plusieurs accès des usines Airbus à Colomiers et Saint-Martin-du-Touch.

Toujours dans le Sud-Ouest, la police de Narbonne a dispersé une manifestation sur les voies ferrées. Onze personnes ont été interpellées. Le matin, une opération “péage gratuit” avait été menée au péage de Narbonne-est.

Dans le Nord, de 500 à un millier de manifestants ont occupé pendant moins d’une heure les voies ferrées près de la gare Lille-Flandres, retardant plusieurs trains. À Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), des étudiants et lycéens ont bloqué pendant deux heures les accès routiers à la zone industrielle du port.

Dans le Grand Ouest, pionnier dans la mobilisation, les manifestants ont bloqué des axes routiers à Nantes, Rennes, Lorient et Quimper. À Rennes, des centaines d’étudiants ont envahi la faculté de droit, qui n’est pas en grève, et saccagé le local du syndicat étudiant UNI, proche de l’UMP et favorable au CPE. Devant la cathédrale de Rouen, un lycéen de Grand-Couronne, âgé de 18 ans, fait depuis huit jours la grève de la faim contre le CPE.

À côté du campus universitaire de Grenoble, une petite centaine d’étudiants, munis de nez de clowns et avec des codes barres dessinés sur la peau, ont envahi un supermarché pendant une heure, aux cris de “consommez, consommez, nous, on nous a soldés”.

À Strasbourg, une centaine de lycéens ont bloqué le pont de l’Europe qui rejoint Kehl en Allemagne. Dans la banlieue de Nancy, une cinquantaine d’étudiants en médecine ont bloqué l’autoroute pendant 40 minutes. Près de Reims, sur l’autoroute A4, plusieurs dizaines de lycéens ont mené une opération “péage gratuit” de 08h00 à 10h00.

À Clermont-Ferrand, une cinquantaine d’étudiants ont mis en place un barrage filtrant pendant une heure. Une manifestation d’opposants au CPE s’est déroulée sans heurts dans le centre de Lyon. La circulation a été paralysée à Limoges une bonne partie de la journée par des barrages.

LIBÉRATION
(6 avril 2006)


[Le passage cité dans Reflections on the Uprising in France combine ces deux versions légèrement différentes.]
 


 

Appel aux étrangers


Nous voyons que votre presse, vos télévisions, vos radios nous présentent comme des fous égoïstes qui refusent les “changements nécessaires” que décrètent les rois de l’économie prétenduement “libérale”.

En vérité, nous combattons une loi qui a pour but de détruire entièrement les droits des travailleurs, que les combats de nos ancêtres avaient gagnés. Nous combattons une loi qui décrète que les patrons pourraient nous virer quand ils veulent sans avoir à donner de raisons et sans avoir à payer d’indemnités de licenciement. Nous combattons la tendance générale d’un prétendu “modernisme”, appliquée par la plupart des gouvernements, qui vise à recréer les conditions du quasi esclavage qui régnait au XIXe siècle pour les travailleurs et les chômeurs, avant que le mouvement prolétarien n’ait réussi à imposer des changements sociaux.

En agissant ainsi, nous ne nous battons pas seulement pour nous et nos enfants mais pour le bien être et la dignité de tous les êtres humains.   Ne croyez pas à l’image caricaturale de nous que votre presse vous présente. Contestez cette image.  

S’ils sont aussi excités contre nous, c’est qu’ils ont peur que vous puissiez prendre notre rebellion en exemple. Ils ont peur que vous fassiez comme nous. Et ils ont raison, car nous sommes tous dans le même bateau.

Ce bateau, nous refusons qu’il soit coulé par les actuels dirigeants du monde, qui accumulent toujours plus d’argent tandis qu’ils réduisent de plus en plus de gens à la pauvreté et la misère. Mutinés contre ces capitaines destructeurs, nous essayons de diriger ce bateau vers un monde meilleur.

Soutenez nous. Rejoignez nous.

UN GROUPE DE GRÉVISTES
(Saint-Nazaire, 3 avril 2006)

 


 

Vive le Blocage general sauvage


La grève était le mode d’action des siècles passés

Le blocage est peu à peu devenu le nouveau mode d’action de notre époque: Bloquer les facs, les lycées, les routes, les bureaux, les usines, les entrepots, les médias, Internet, etc. voilà la solution, ou le début de la solution

Bloquer Paris doit être le but à atteindre

Les vrais casseurs ce sont les capitalistes en col blanc et cravate

La racaille authentique c’est la racaille bourgeoise, ses mensonges, son exploitation, ses beaux quartiers, sa soumission au marché, à la rentabilite à 15%

La démocratie c’est la démocratie directe des assemblées générales, non celle du Parlement du reste méprisé par un Villepin...

La vie ce n’est pas 10%, 50% ou même 100% du SMIC. Ce n’est pas de faire plaisir à un patron pour ne pas être virer en écrasant ses collègues et en accomplissant des tâches imbéciles. Ce n’est pas non plus d’aller voter pour un candidat quelconque qui trahira ses promesses.

Jamais depuis longtemps on n’avait été aussi proche de la “rupture”, la vraie, avec le système qui parait inébranlable mais est au fond si fragile

Encore un effort pour le renverser

LES AFFRANCHIS
(Paris, 28 mars 2006)

 


 

Ouvrir la brèche


Le Chaos Pour nos Enfants

Leur Contrat Première Embauche en est la preuve supplémentaire: la guerre éclair menée par les capitalistes pour réduire le salariat à l’état de sous-classe d’esclaves ira jusqu’à son terme si rien n’est fait pour y mettre obstacle.

Dans ce combat, ceux qui ont encore des illusions sur un avenir proche garantissant le confort dans l’asservissement, à l’abri de la dictature, de la guerre, des radiations, de la pénurie d’alimentation et d’énergie, sont suicidaires. Ceux qui croient encore aux appareils politiques, spécialisés ou non dans la contestation spectaculaire, sont des naïfs. Inutile de chercher à réformer le Capitalisme, encore moins quand celui-ci se trouve en phase terminale.

Tu ne t’intégreras pas à cette société, c’est cette société qui te désintégrera. Elle s’acharne d’ailleurs à t’amputer de ton intelligence pour que tu sois incapable de constater cette évidence.

Si tu t’entêtes à te conformer à l’ordre social, ta vie va continuer à se détériorer rapidement et tes enfants ne survivront pas. Bientôt, tu ne pourras plus faire semblant de t’adapter facilement à cette existence, construite sur un seul modèle possible: celui de la production de nuisances dans la contrainte, celui de la consommation de ces nuisances dans l’ennui et la restriction croissante. Es-tu certain, d’ailleurs, qu’en faisant le larbin aujourd’hui, tu garantis ton avenir?

Quel avenir?

Ta seule solution est de renouer avec la tradition de lutte portée par la classe ouvrière et les mouvements d’avant garde.

Le moment de prendre conscience c’est maintenant. L’instant où tu dois abandonner ton scepticisme, ta résignation, tes fausses préoccupations sur ton ego, afin de combattre pour la survie de l’humanité, la tienne, c’est tout de suite.

N’attends pas pour te réveiller d’avoir la puce dans le bras qui remplacera le flic dans ta tête.

N’attends pas de crever du cancer, comme un nombre croissant de tes proches, pour cesser de philosopher passivement sur la pollution (si du moins tu philosophes) et envisager le sauvetage de ce qui reste de la nature.

N’attends pas d’être un serial consommatueur et d’avoir perdu tous sentiments humains pour ouvrir les yeux et entreprendre de changer les rapports entre les gens.

N’attends pas d’être en incapacité de lutter pour commencer à le faire. Il sera trop tard demain si tu ne reviens pas à la racine de toi-même dès à présent, si tu ne te radicalises pas. Le camp d’en face, lui, l’a déjà fait.

Et n’oublies pas qu’à chaque minute c’est un peu plus de ce qui peut encore assurer la survie biologique de l’espèce qui disparaît, anéanti définitivement par la logique capitaliste.

Le temps joue contre toi.


Contrer leur Programme d’Extermination

Les fanatiques qui sont au pouvoir n’avaient pas prévu que la révolte de la jeunesse atteindrait une telle ampleur.

Leur empressement à appliquer le programme de destruction de la civilisation conforme à l’agenda imposé par les transnationales les conduit à confondre la masse avec cette avant-garde de la bêtise qui monopolise quotidiennement l’espace médiatique. Cette erreur stratégique pousse la bourgeoisie à se rigidifier sur ses positions.

Ne pouvant plus convaincre de rien, le Pouvoir est résolu à mater toute contestation.

Dans ces circonstances, il faut que l’unité entre tous les exploités se consolide et se radicalise. Il est nécessaire, pour ce faire, que tu sois conscient d’être un prolétaire, dans une époque où le système éducatif n’est principalement qu’une usine à formater le bétail salarié aux conditions de production.

La contestation doit dépasser le cadre de la revendication. Il est primordial de tenir à distance les organisations syndicales dont tout le programme se résume aujourd’hui à mettre en échec la contre-attaque prolétarienne potentielle qu’exigent les enjeux catastrophiques de notre temps.

Cette situation d’affrontement nous offre la précieuse occasion d’ouvrir à nouveau les champs pratiques et théoriques obstrués depuis 30 ans, pour reposer la question d’un nouveau monde. Des actions autonomes, des débats libres ont d’ores et déjà été amorcés.

Consolidons les contacts entre salariés, étudiants, lycéens, chômeurs et autres galériens et organisons l’action des groupes autonomes de défense !

La question de la Révolution doit rejaillir au centre des débats, mais évitons les formules érodées héritées des échecs du passé. En ce sens, il est incontournable de dresser l’inventaire des apories de la pensée révolutionnaire, pour échanger sur la façon de mener victorieusement la société vers une remise en cause fondamentale. Discutons des normes que nous entendons substituer à celles qui sont en vigueur aujourd’hui, des principes que nous comptons proposer aux hommes pour remplacer les lois iniques du marché...

L’homme retrouvera à tâtons le fil perdu.

RAPACES et FRANÇOIS LONCHAMPT
http://ecritscorsaires.free.fr/
(mars 2006)


 


 

Tout est possible…


Après la révolte des jeunes des banlieues, qui ont ouvert une brèche contre la véritable casse sociale du Pouvoir de ceux qui en somme ont tout détruit (convivialité, accueil, quartiers, emplois, services publics, protection sociale, santé, climat, ressources naturelles, espèces vivantes, agriculture, paysage…) le mouvement de la jeunesse étudiante contre le CPE-CNE et contre la loi sur l’in-“égalité des chances” a créé une situation nouvelle et entraîné la possibilité d’un réveil collectif de millions de personnes.

Quand la machine commence à s’enrayer, même les rouages commencent à s’interroger sur leur fonction. Les gens commencent à y voir plus clair dans le décervelage, les mensonges et les escroqueries organisées.

Les individus osent vivre ce qu’ils ne font plus d’habitude. Les patrons, les chefs et la hiérarchie deviennent inutiles. Les ordres ne sont plus respectés. Les cloisonnements s’effondrent. Des questions individuelles se transforment en questions publiques, tandis que les questions publiques qui semblaient lointaines et abstraites deviennent des questions pratiques et immédiates. L’ordre établi est analysé, critiqué, moqué. Les gens recommencent à se parler. Comme le travail salarié s’arrête, la pression frénétique du temps calculé s’effondre comme une chape de plomb. La propagande publicitaire, les politiciens et le bourrage de crâne médiatique monologuent dans le désert. La consommation passive devenue dérisoire comme manque à combler est remplacée par la rencontre, la confrontation et le dialogue. La question de l’argent peut perdre sa charge d’angoisse dans le développement de la solidarité, si la contestation s’étend et entreprend de bouleverser les structures de la domination.

Des expériences comme la Commune de Paris, les collectivités de l’Espagne libertaire, l’autogestion, les conseils ouvriers, la démocratie directe, qui ont été longtemps refoulées refont surface par exemple dans les assemblées générales souveraines. Tout semble possible et beaucoup de choses le deviennent effectivement. Les gens apprennent plus de choses sur la société en une semaine que pendant des années passées à étudier les « sciences sociales » à l’université ou à se faire endoctriner par la propagande à répétition des détenteurs de la vérité.

Au delà du préalable obligé du retrait du CPE, la jeunesse pose la question de son avenir qui est aussi l’avenir collectif du monde. Mais la dictature de l’économie capitaliste a déjà répondu: gains de productivité, concurrence, marchandisation de toutes les activités humaines, puissance militaro-industrielle, exploitation , inégalités croissantes, chômage, misère, et barbarie. Ce monde démentiel, cette société là, la jeunesse prolétarisée affirme aujourd’hui avec force qu’elle n’en veut pas. Face aux stratégies politiciennes de rechange qui ne vont pas manquer de réapparaître, les pauvres redeviennent figure dangereuse pour tous les pouvoirs et dans l’action collective directe ils redécouvrent leurs propres capacités de pensée, d’initiative, de solidarité et d’auto-organisation.

CNT (librement adapté de “L’effervescence des situations radicales”*)

(Rhône, 18 mars 2006)

________________________________________
*Plusieurs passages de La Joie de la Révolution (la traduction française de “The Joy of Revolution” de Ken Knabb) circulaient pendant le mouvement anti-CPE — mis sur le Web, envoyés dans les listes mail ou adaptés dans les graffiti et les tracts, dans certains cas par des gens qui en ignoraient la source et qui présumaient qu’il s’agissait d’un texte écrit sur les événements actuels. Le tract ci-dessus, produit par des membres du CNT, incorpore ou adapte quelques passages du Chapitre 3 à propos des situations radicales.

 


 

Hard Blocking

 

Le mouvement actuel n’est pas un mouvement revendicatif

Comme celui de novembre il ne revendique rien, au sens strict, ne propose rien non plus, mais il exprime un refus de la situation qui trouve son point d’ancrage dans projet de loi sur “l’égalité des chances” et particulièrement le CPE. Cette absence de revendication s’exprime de plusieurs manières :

— par un refus qui tend à englober toutes les formes de précarisation (le refus du CNE est clairement énoncé);

— par son symbole “Rêve général” qui englobe l’idée de “Grève générale” tout en la détournant;

— par le slogan “Ni CPE ni CDI” ou des pancartes comme “Contrat Premier Esclavage” qui reflètent l’influence puis les liaisons avec des associations de chômeurs et avec des courants critiques du travail. Au fur et à mesure que le mouvement s’approfondit, ces liaisons sont de plus en plus recherchées.

C’est aussi cette absence de revendication qui le pousse à ne rien négocier. Le mouvement s’en tient à son point d’ancrage original et à partir de là, il cherche à produire un rapport de force. C’est là son aspect radical et non pas une quelconque position politique qui viendrait se greffer après coup. Il n’est pas obsédé par l’idée de tenir compte de l’opinion publique car c’est le rapport de force qu’il construit, qui justement, produit l’empathie nécessaire à sa popularisation sans qu’il ait besoin de se prostituer auprès des médias.(1) Il ne faut pas oublier qu’à l’origine les premiers sondages étaient favorables au CPE ainsi que l’ensemble de la presse hormis L’Humanité. Depuis, malgré toutes les entourloupes habituelles des professionnels de la communication, on peut dire que le mouvement a réussi à amener les médias et particulièrement la presse écrite sur son terrain en lui faisant appréhender les événements sur les bases voulues par le mouvement. La tendance dans les sondages s’est alors inversée.


Le mouvement révèle l’intensité de la crise de la reproduction du capital

Le discours autour de la création d’emplois n’est que l’antidote publicitaire à la crise de la valeur-travail. L’exploitation de la force de travail n’est plus l’opérateur central de la valorisation. Il ne s’agit pas de la fin du travail mais de son inessentialisation (domination du “travail mort” c’est-à-dire des technologies sur le “travail vivant”) et de son indifférenciation (la mise en avant de la notion vide de compétence tente de suppléer la fin des métiers et la reconnaissance de la profesionnalità, comme disent les italiens).

Cette crise passe, pour la première fois, par un traitement spécial imposé à la jeunesse, un traitement qui dépasse les politiques traditionnelles de domination d’une classe par une autre. En effet, si le cne a peu de chance de toucher les personnes très qualifiées et diplômées parce qu’il cible les sans emploi; le cpe ne vise qu’une catégorie d’âge, mais il implique toute cette catégorie. Désormais, le diplôme ne constitue plus un marquage suffisant. C’est pour cela qu’aujourd’hui, confusément, tous les jeunes se sentent concernés alors que beaucoup ne devraient pas l’être. Il y a là comme une surenchère politicienne d’une partie du personnel de l’État qui cherche à revaloriser sa fonction dans le commandement capitaliste. Le MEDEF n’était d’ailleurs pas demandeur.

Dans la crise du travail, les jeunes (précaires) et les vieux (pré-retraités ou dispensés de recherche d’emplois) servent de variables d’ajustement sur le marché. Cette tendance à l’irreproductibilité de la force de travail, se manifeste encore bien plus chez ceux pour qui le CPE n’est même pas envisageable car ils sont en deçà du seuil d’employabilité. Cela s’est vérifié dans les “zones franches”, en banlieues, où la plupart des entreprises ne se sont même pas préoccupées de recruter leur main d’œuvre sur place.(2) C’est aussi pour cela que l’unité ne peut se faire sur la base d’une revendication du type: “Un cdi pour tous”. Le mouvement ne la formule d’ailleurs pas. On retrouve ici la volonté de ne pas opposer au retrait une revendication précise.


La jonction immédiate avec les salariés n’est pas la jonction organique qui s’impose naturellement au mouvement

Le décalage entre ce mouvement qui s’efforce d’unir étudiants et salariés et celui de novembre 2005 tient dans le fait que les conditions d’accès au marché du travail étant de plus en plus difficiles, les inégalités et les discriminations reproduisent les séparations de classes, mais elles le font en dehors de l’antagonisme prolétariat/bourgeoisie. Ce phénomène est notamment perceptible à travers les réalités suivantes:

— la masse des étudiants et lycéens, n’est plus repérable dans les termes traditionnels de la classe sociale (enfants de la bourgeoisie ou de la petite bourgeoisie(3) par opposition aux enfants des couches populaires); beaucoup travaillent d’abord pour vivre et non pas pour l’argent de poche;

— les bandes de jeunes radicalisées n’expriment aucune identité de classe et leur action réduit le capital à son État, à quelques institutions et aux marchandises. Leur critique du travail, implicite mais pourtant radicale, les amène à se situer sur le terrain de l’appropriation directe (y compris au sein des manifestations) et non pas celui de la réappropriation par les producteurs. Il y a rupture avec ce qui a été à la base du programme prolétarien et que des groupes politiques (LCR) ou syndicaux (CNT) reprennent aujourd’hui sous la forme d’une morale du consommateur: “Rien est à eux, tout est à nous. Tout ce qu’ils ont, ils l’ont volé”;

— le rôle très effacé des élèves de LEP, pourtant à la pointe des luttes en 86 et 94 porte la marque d’une radicalisation de la crise de reproduction avec d’un côté les élèves des LEP “poubelles” qui participèrent activement aux événements de novembre, mais pas à ceux de ce printemps et de l’autre, dans lesmLEP sélectifs, la montée d’une idéologie du petit entrepreneur qui a fait le succès de l’Italie de Berlusconi et de Benetton dans les années 90.(4)

En faisant de sa liaison avec les salariés un axe prioritaire, le mouvement actuel rejoue, risque de se mettre à la remorque d’un mouvement de salariés moins développé, dont la partie émergente est particulièrement bureaucratisée, alors que ce mouvement est grandement redevable à la révolte des banlieues dans l’ébranlement du système. Certains étudiants et lycéens en sont conscients quand ils en appellent à la lutte à la base dans les entreprises, cherchent le contact avec les jeunes travailleurs mais n’en oublient pas pour autant les chômeurs, les sans-papiers et les jeunes condamnés en novembre.

Il faut évidemment poursuivre la popularisation et accroître les contacts avec les salariés combatifs, mais sans se mettre à la remorque d’une classe ouvrière qui n’est plus aujourd’hui qu’une référence symbolique aux luttes du passé. Une classe qui n’a plus d’existence subjective autre que ses différentes représentations syndicales qui ont laissé passer le CNE et approuvé l’état d’urgence. Une classe qui ne peut jouer aucun rôle d’avant-garde dans la mobilisation présente et surtout, qui ne peut plus affirmer un programme propre susceptible d’engendrer l’unité autour d’elle. Les risques de ce rattachement se situent à deux niveaux. Il y a tout d’abord le risque d’orienter le mouvement vers la revendication en noyant le retrait du CPE au sein d’un nouveau “Grenelle social” sur la précarité des jeunes. Il y a le risque, ensuite, de perdre toute spontanéité, de rendre les actions prévisibles et inoffensives dans le cadre de manifs bien huilées et encadrées.(5)

Cette unité, si elle doit se réaliser ne se fera que dans les luttes et les rencontres qui s’en suivent. Elle ne se fera pas sur une communauté d’intérêts qui, dans l’immédiat, sont divergents: les salariés du public défendent les statuts et le service public; les intermittents un système de flexisécurité à leur avantage; les chômeurs un droit au revenu indépendant du travail; les jeunes “violents” un droit au respect et l’accès direct à la “thune”, etc. L’unité à rechercher devrait plutôt se réaliser sur une communauté des causes.

Les moyens d’actions de la révolte ou des refus sont aujourd’hui extrêmement variés (blocage des facs et des lycées, occupations ou même destruction d’agences ANPE, blocage de manifestations culturelles ou sportives, interventions sur des plateaux de télévision; résistances à la police ou attaques contre celle-ci, destructions de biens ou de lieux symboliques, mises à sac de permanence de partis politiques, grèves), mais ce qui compte ce n’est pas que chacun agisse dans son coin, à partir de ses propres déterminations, mais qu’il y ait des échanges, des passerelles qui permettent aux individus en lutte de quitter une partie de leurs oripeaux d’origine, qu’ils en soient transformés en même temps qu’ils transforment les conditions présentes.


L’auto-organisation et le vol d’étourneaux

Si la pratique de l’assemblée générale et de la démocratie directe persiste, ce mode d’action n’est plus considéré que comme une base commune relative et non comme un principe absolu. Il est remarquable que la référence à “l’autogestion” ait quasiment disparu du langage du mouvement alors que l’auto-organisation des débats et des interventions reste le modèle dominant. Ce dépassement de l’idéologie autogestionnaire et de ses oripeaux usinistes rend conscient au plus grand nombre qu’un nouveau cycle de luttes s’est ouvert; celui qui doit affronter le despotisme de la valeur dans toutes les activités humaines. L’auto-organisation apparaît comme l’horizon dépassable du mouvement et non plus comme un critère de son accomplissement. La prise en charge collective de la vie quotidienne dans les bâtiments universitaires occupés ne fait plus l’objet de débats interminables sur la possible répétition des normes du système dominant. Le respect de l’autonomie de chacun dans ses initiatives et ses dires ne trouve ses limites que dans la reconnaissance qu’il manifeste pour le devenir du mouvement. Si l’échange d’idées et les propositions stratégiques sont souvent développées en commission elles n’enferment pas les actions dans un carcan. Les déplacements urbains(6) en forme de vol d’étourneaux, se divisant pour se protéger puis se regroupant pour immobiliser ou pour frapper conjuguent l’efficacité du collectif et la créativité de l’individuel.


C’est la question générale de la domination et du pouvoir qui est posée… à chaud

Le mouvement ne la pose pas en terme de prise de pouvoir, ni même dans les termes clairement anti-capitalistes propres aux “avant-garde” de jadis, mais en termes de dévoilement de l’oppression par une puissance en mouvement. L’injonction de la coordination nationale d’une “démission du gouvernement”, ne propose aucune alternative politicienne alors qu’on peut dire que le mouvement développe une action éminemment politique de par sa critique en acte de l’idéologie de l’économie. Le mouvement n’a donc pas besoin d’être politisé de l’extérieur par des groupes qui croient toujours donner un contenu à des formes alors qu’ils ne font qu’affirmer, à travers leurs slogans décalés, leur propre impuissance à percevoir les contenus nouveaux qui émergent de ce mouvement.

De par son extériorité objective à la production le mouvement ne peut s’attaquer directement qu’aux institutions de la reproduction et aux réseaux de circulation de la valeur, aux flux. Flux d’informations, flux de marchandises, flux d’individus, flux de pouvoirs, flux d’images, etc. Cette limite est réelle, mais elle est moins gênante à une époque où c’est justement la reproduction qui est centrale et non plus la production. Par contre, l’avantage c’est que le mouvement est en adéquation avec le terrain sur lequel il agit. Il n’a pas à se poser la question de sa plus ou moins grande dépendance à un éventuel mouvement de salarié nécessaire pour bloquer la production. A priori tout le monde peut participer à un blocage immédiat des flux.(7)

 

NOTES

1. La coordination nationale refuse leur présence. Sur les façades de certains amphithéâtres où se tiennent les AG on peut lire “Médias, casse-toi”.

2. Une analyse cartographique des mobilisations montrerait sans doute qu’elle est la plus forte dans les zones où le rapport entre densité de population et nombre d’emplois est le plus défavorable (Nord-Ouest et Ouest de la France, Sud; villes en voie de désindustrialisation) et dans les zones où l’idéologie du travail est la moins prégnante (Sud encore puisque paraît-il “la misère est plus supportable au soleil”…).

3. Il n’est pas rare d’entendre les anti-blocage qualifier les partisans actifs du mouvement, de “petits bourges” qui parlent de révolution mais ignorent tout des lois universelles de l’économie et de la réalité d’une misère des banlieues à laquelle le CPE viendrait répondre. Ceux qui ont toujours nié l’existence de luttes de classes s’amusent ici à en fabriquer une…pour leur propre cause et profit!

4. Malgré les efforts en direction de la “génération Tapie” dans les années 80, cette tentation ne commence qu’à décoller en France dans les milieux populaires et se combine à celle des milieux un peu plus aisés où on rêve de réussir en Angleterre, ce pays de cocagne où on pourrait travailler pour s’enrichir et non simplement pour survivre!

5. Les différents services d’ordre qui, depuis le 28 mars, se partagent le travail avec la police officielle ne cherchent pas à éviter les cassages de gueule intempestifs et barbares puisqu’on a même vu que, pour la police au moins, les ordres sont parfois de ne pas intervenir comme cela avait déjà été le cas à Paris en 2005. Derrière le but avoué d’éviter tout débordement (le terme est déjà parlant en lui-même), il y a la volonté syndicale ou organisationnelle d’en rester à une démonstration de force sans se fixer des objectifs précis (les parcours officiels sont d’ailleurs calculés pour ne jamais rencontrer de tels objectifs potentiels) dans les limites fixées par les règles du jeu syndical et politique. Il ne s’agit surtout pas de faire mal, mais simplement de faire signe!

6. La “tournée” du 6 avril dernier dans Paris, évitant Montparnasse pour occuper la gare du Nord, puis, déjouant les CRS, pour bloquer le périphérique, a porté cette pratique du vol d’étourneaux à un point d’incandescence élevé.

7. Ce que les étudiants rennais en lutte viennent de réaliser efficacement au centre de tri, le samedi matin 8 avril avec l’aide de postiers sur place, démontrant par là aussi le sens actuel de l’action des étudiants vers les travailleurs.

TEMPS CRITIQUES
http://tempscritiques.free.fr/spip.php?article143
(Montpellier, ca. 10 avril 2006)

 


 

Crédibilité, quand tu nous tiens...

Comment notre manière d’envisager la communication conditionne nos luttes


Pour la palme du dicton le plus en vogue durant ces belles et tumultueuses semaines de lutte anti-CPE, je nominerais volontiers: “vous décrédibilisez le mouvement”. Cette exclamation anxieuse, ce soupir réprobateur, ce mot d’ordre imprononçable a résonné dans tous les amphis occupés et dans tous les boulevards arpentés par la foule, à Grenoble comme dans certainement beaucoup d’autres villes.(1) Un tag dans l’université, ça décrédibilise le mouvement; une agence d’intérim attaquée, ça décrédibilise le mouvement; une poubelle en travers de la route, ça décrédibilise le mouvement. Pointant du doigt les initiatives un peu trop “osées”, un peu trop violentes, un peu trop étranges, ce leitmotiv a inauguré les dissociations citoyennes au sein même de la mobilisation, phénomène classique à souhait.(2). Si la question de notre crédibilité est omniprésente, alors poussons-la jusqu’au bout — plus loin que les pense-bête de nos chapelles militantes. Aux yeux de qui devons-nous être crédibles? Selon quels critères? Et à quel prix?

Parfois j’entends dire qu’au sein de nos luttes, les angoissé-e-s de la crédibilité sont les gardiennes de la paix sociale, les garant-e-s d’une morale républicaine et répressive. C’est peut-être le cas, mais je pense que leur principal souci est ailleurs. Leur principal souci est la question de “l’élargissement”, de la “massification” du mouvement. Pour que notre lutte soit victorieuse, il “faut” qu’elle regroupe de plus en plus de monde, qu’elle attire les foules, qu’elle ne les effraie pas, qu’elle leur paraisse juste et raisonnable. Il faut qu’elle ait bonne presse et qu’elle gagne l’opinion publique.

Je peux comprendre ce souci-là. Il est évident que le rapport de force tournera en notre faveur si nous sommes plus nombreux et nombreuses. Il est évident que nos consciences et nos colères tendent vers un partage, une communication, avec toutes les personnes qui nous entourent. Mais méfions-nous des évidences, et à trop nous préoccuper de notre image, prenons garde aux pièges que nous pouvons perdre de vue.


LE FANTÔME DE L’OPINION PUBLIQUE

Quand j’entends “vous décrédibilisez le mouvement” je n’entends pas “je ne suis pas d’accord avec vous”. J’entends plutôt: “je pense que l’opinion publique ne sera pas d’accord avec vous”. Le crédibilisateur ou la crédibilisatrice ne s’engage pas personnellement dans un débat éthique ou même stratégique (ce qui est d’ailleurs dommage): ille imagine ce que penseront “les gens”, et parle à leur place. Ille se fait l’écho, le média, d’une entité collective abstraite et menaçante, l’opinion publique.(3)

L’opinion publique est un fantôme. Bourdieu disait qu’elle n’existe pas. Elle n’est qu’un gros sac informe où nous rangeons toutes les idées les plus consensuelles que nous recensons autour de nous. Comme “les casseurs”, elle devient un être virtuel, un agrégat monstrueux, qui plane à sa manière au-dessus de nos combats politiques. Méfions-nous de ce bloc homogène et simpliste: les humaine-s sont plus complexes que ça. Les idées dominantes et les parts de résistance s’entremêlent en chacun-e d’entre nous, à des degrés divers et suivant des schémas multiples. Et la solidarité d’une inconnu-e jaillit parfois là où on ne l’attendait pas.(4)

Dans nos luttes, “l’opinion publique” ressemble au bon père qui pose des limites, qui parle “raisonnable”, qui exige face à lui un certain ton et un certain vocabulaire. Et si nous l’envoyions balader? Qu’avons-nous à faire avec cette somme anonyme et flasque de toutes les opinions moyennes de notre démocratie médiatique? Que lui devons-nous? Pourquoi dialoguerions-nous avec un épouvantail étrangement proche de la pensée dominante? Pourquoi entrerions-nous dans son jeu, caricature contre caricature, consensus mou contre consensus mou? Pourquoi ne pas déserter les pauvres règles de ce dialogue imposé par les médias?(5)


MÉFIONS-NOUS DES MEDIAS

À mesure que notre mode de vie nous sépare les un-e-s des autres, nous met en concurrence pour l’emploi et la survie, nous plante le nez dans la sphère privée et la petite famille nucléaire, que nous reste-t-il pour partager nos accords et nos désaccords au-delà du domicile, de l’atelier ou du bureau? Il nous reste l’industrie médiatique, cet intermédiaire puissant, lien officiel entre nous et les autorités, entre nous et les autres; maître du débat, maître de cérémonie.

Beaucoup de médias se présentent comme neutres — ils ne le sont jamais. Ne serait-ce que du fait de leur structure économique et hiérarchique. Une grande entreprise soumise (pour “survivre”) aux lois du capitalisme, et dans laquelle les individus sont organisés de façon pyramidale, ne produira qu’un certain standard d’information. Mauvaises conditions de travail (manque de temps et de moyens, précarité), compétition interne et carriérisme, souci de l’audimat, sensationnalisme, dépendance par rapport aux actionnaires et aux annonceurs, complicité entre élites: autant de facteurs qui favorisent l’auto-censure des journalistes (parfois leur censure pure et simple) et qui minimisent les possibilités, pour tout groupe qui n’a pas les moyens de s’offrir un-e chargé-e de com’, “d’apparaître” correctement dans les médias.(6)

Le traitement médiatique de nos luttes sociales est toujours décevant. Le format des articles ou des “sujets”, court et divertissant, est toujours dramatiquement loin de la complexité de ce que nous élaborons. À la recherche de l’image percutante et du personnage haut-en-couleurs, les journalistes font de nos combats un spectacle saccadé, et nous laissent toujours seul-e-s quand le conflit traîne en longueur. Dans leurs récits, nos révoltes ont systématiquement un aspect soit folklorique (mignon), soit immature, à côté des phrases calibrées des costards d’en face. Toujours le même cinéma. Sans compter les citations tronquées, les significatives juxtapositions de plans, les amalgames grossiers et autres analyses de comptoir: bien souvent, la version “objective” du reporter, qui a infiniment plus de poids que la nôtre, laisse à la personne qui a été interviewée, devant le journal qu’elle découvre plusieurs heures plus tard, comme un arrière-goût de vol.

Tout cela, beaucoup de militant-e-s le savent. Mais la mémoire des luttes est trop peu transmise, et les leaders formels ou informels des mouvement sociaux, accoutumés à l’intérêt que leur portent les journalistes, font souvent silence sur ce genre d’observations. C’est pourquoi beaucoup de gens qui s’engagent pour la première fois dans une lutte, comme ce peut être le cas dans ce printemps 2006, ont encore les yeux brillants quand les caméras arrivent — cet espoir démesuré qu’on va “s’intéresser à leur histoire”.(7)

Les médias ne sont pas de notre côté. De par leur fonctionnement, leurs présupposés et leurs messages, ils sont toujours plus proches du statu quo que d’une sensibilité au changement social. On peut choisir de les utiliser, à pas de loup et de façon exclusivement stratégique, comme on se saisit d’une partie de l’appareil dominant pour la retourner contre une autre, comme on fait jouer entre elles des rivalités politiciennes, comme on lance un recours en “justice” pour retarder un projet ou une expulsion. Un “coup” médiatique, selon les cas, peut être un moyen de pression très circonstanciel sur les hauts placés, évidemment préoccupés par leur image. Mais attention à ne pas gaspiller trop d’attentes et de forces sur ce terrain miné. Méfiance!


L’EXEMPLE DES “ACTIONS SYMBOLIQUES”

Pour la palme d’argent des dictons du mois, je nominerais bien: “on a prévu une action symbolique”. On a prévu un sit-in symbolique devant la Chambre de Commerce. On a prévu d’aller se rendre à la police, les mains derrière la tête, pour symboliser notre solidarité avec les interpellé-e-s.(8) On a prévu de se costumer tout en blanc dans la prochaine manif, comme symbole des sans-droit et des précaires.(9) “Tous à tel rendez-vous avec tel accessoire”. Les idées de mises en scène se succèdent, toutes plus innovantes les unes que les autres. Ça fera une image-choc, l’opinion publique appréciera — avant de zapper sur une autre chaîne.

L’action symbolique, chère aux associations caritatives et citoyennistes, reste dans le registre du spectacle. Certain-e-s syndicalistes la planifient en publicistes plutôt qu’en poètes: leur objectif prioritaire est d’allécher les journalistes. Plaçant les médias au centre de nos initiatives, l’action symbolique est le comble du souci de l’image dans nos luttes.(10)

À quoi mesurons-nous la réussite de nos actions? Au nombre de caméras qui se sont déplacées? Au nombre de minutes qui lui sont dédiées au téléjournal? Ou plutôt: aux rencontres qu’elles ont occasionné avec les passant-e-s; aux liens et aux réseaux qu’elles ont renforcés entre “nous”; aux techniques que nous y avons perfectionné; à l’expérience que nous y avons acquise; aux analyses qu’elles nous permettent de tester et d’affiner; au plaisir que nous y avons pris et au désir qu’elles nous procurent pour la suite; aux dommages, dépenses et autres retards qu’elles ont causé directement aux institutions ennemies? Ces questions brûlantes gagneraient à être posées dans chaque nouveau contexte, à chaque nouvelle action. Nous pourrions remettre l’aspect symbolique à sa place, et en venir aux faits: qu’est-ce que nos initiatives nous apportent très concrètement, en quoi elles nous rendent plus fort-e-s, qu’est-ce qu’elles nous aident à construire dans la durée, à quel point elles pèsent sur la machine des puissants?

Il ne s’agit pas d’abandonner les joies de la théâtralité et de l’humour dans nos actions, mais de les détacher des exigences médiatiques, et de les relier tant que possible à des offensives réelles. Quand en 1974 à Turin, 80 000 personnes enflamment un bout de papier en manif, la scène doit être saisissante — mais ce qu’elles détruisent, c’est l’original d’un courrier officiel qui les menace de poursuites si elles continuent à auto-réduire leur facture d’électricité.(11) Quand en 1996 à Londres, une manifestation festive et écologiste de 8000 personnes envahit le périphérique M41, c’est aussi pour en défoncer le bitume et y planter des arbres — la jupe d’une gigantesque marionnette cachant les personnes munies de marteaux-piqueurs, et la musique des sound-systems couvrant leur vacarme.(12) Quand en 2003 à Grenoble, quelques allumé-e-s grimpent dans un platane que la mairie veut abattre au profit d’un stade, l’occupation aurait pu être courte et symbolique, mais elle persiste, s’étend aux arbres voisins, et ouvre trois mois d’un mémorable campement suspendu.(13) Ce ne sont que quelques exemples parmi tant d’autres, à nous d’inventer les prochains, suivant les circonstances et les désirs.


UNE COMMUNICATION AUTONOME

On me dira qu’en tournant le dos aux médias, nous nous coupons d’un tas de gens et nous renonçons à communiquer nos idées. Je réponds: au contraire! C’est plutôt l’ouverture de nouvelles réflexions et de nouvelles expériences. La question de la communication est, à la manière de la question politique, constamment déléguée à des spécialistes — ici, les journalistes. Mais au moment où je bloque tel carrefour, avec quelques dizaines d’acolytes, et où je croise le regard d’un passant, je ne peux pas me résoudre à l’idée que la principale forme d’explication entre lui et moi, alors que nous sommes terriblement présents, alors que seuls quelques mètres nous séparent, sera le commentaire du soir de la présentatrice TV.

Les modes industriels de communication sont trop étriqués pour nous. C’est justement parce que nous avons besoin de communiquer réellement qu’il nous faut construire autre chose. Il nous faut plus d’espace. Nos messages se meurent dans le cadre insipide et superficiel de la dépêche AFP. Ils tombent désespérément à plat quand le petit écran les livre, entre deux pubs et trois “divertissements”, à des spectateurs et spectatrices invisibles, caressé-e-s dans le sens de la passivité. Il nous faut du fond, de la sensibilité, et de véritables rencontres.

Il y a mille et une formes de communication directe à découvrir et redécouvrir. À commencer par la parole. Nous pouvons réinviter la parole à vivre dans les quartiers, dans les immeubles — parler aux inconnu-e-s, oser prendre le temps d’échanger un mot d’humour ou de politique.(14) Nous pouvons parler entre personnes dont la parole n’est jamais publique, nous qui n’avons pas accès au piédestal médiatique, aux tribunes officielles, aux mégaphones des confédérations syndicales: nous qui sommes catégorisé-e-s comme racailles, prolos, marginaux, femmes, pirates, mômes, casseuses, punks, vieillards, monstres, extrêmistes, immigrés, etc. Ainsi se cultivent des complicités conspiratrices, comme celles qui surgissent dans les occupations ou les manifestations sauvages, quand se partage une histoire forte et que vient, plus facilement, le plaisir de parler avec tous et toutes. Nous pouvons discuter aussi avec les badauds en marge des cortèges(15), les commerçant-e-s qui baissent le rideau de fer quand passent les émeutieres(16), les anti-bloqueurs(17), celles et ceux qu’on n’aurait pas imaginé si proches; écouter, argumenter, il peut y avoir du régal là-dedans, et des liens inattendus.

Nous pouvons nous exprimer sans médiation. Écrire des textes, des récits, des analyses, des appels, les coller directement sur les murs, les poster directement sur internet(18), les glisser directement dans les rayons des supermarchés(19), les donner directement sur papier. Nous pouvons graffer, chanter, peindre des affiches, publier des brochures et des journaux, enregistrer nos conversations les plus aiguës, photocopier les écrits qui nous marquent, monter des petits films. Prendre au sérieux ce que nous avons à dire. Étendre la culture souterraine des opprimé-e-s et des insurgé-e-s, la faire exister toujours plus, la diffuser autour de nous.

D’aucun-e-s se figurent qu’avec l’écho des grands médias, notre message touchera d’un seul coup des tonnes de gens… Personnellement, je ne vois pas pourquoi des gens réagiraient davantage en entendant nos actions à la radio, que ce qu’ils font tous les jours devant la masse d’informations catastrophiques qu’ils reçoivent, désastres écologiques, guerres, morts sur morts. Les médias nous disent la noirceur du monde, en même temps qu’ils la spectacularisent et la dépolitisent, en même temps qu’ils nous y accoutument et nous y résignent.(20)

L’industrie médiatique a pour elle l’avantage quantitatif: des tonnes de consommatrices et de consommateurs. Nous sommes habitués à la penser incontournable; pourtant la circulation des idées est plus puissante par d’autres moyens. Ce qui me touche le plus, ce n’est pas le discours calibré du speaker à l’écran, mais la conversation avec un-e proche, le débat public où j’ai pu prendre la parole, le texte étonnant qu’une connaissance m’a conseillé, les polémiques qui secouent ma bande de potes, l’échange avec un individu en chair et en os, avec ses expressions, ses attitudes et ses mystères, que je découvre autour d’une activité commune. Le marketing l’a déjà compris et se lance dans l’exploitation cynique du bouche-à-oreille(21): ne lui abandonnons pas ce terrain gratuit et réjouissant, prenons confiance en la force de nos relations et de nos réseaux. À cette échelle-là, plus réduite, plus dense, plus palpable, propice aux interactions, chargée en affects et en singularités, l’information et la réflexion naviguent plus vivement.(22)


À L’ATTAQUE!

Dans leur conception pauvre et consensuelle de l’opinion publique, dans leurs programmes actu-variétoche, les médias méprisent implicitement la population. Avec l’obsession de notre “crédibilité”,  nous faisons de même, préférant édulcorer nos discours et nos actes plutôt que les éclairer. Nous nous auto-censurons pour paraître comestibles aux journalistes, qui eux et elles-mêmes s’auto-censurent à leur tour. C’est l’auto-censure au carré. Ainsi nous aboutissons toujours aux mêmes tracts, toujours aux mêmes slogans, prévisibles, impersonnels, vendeurs. Et nous ne changeons rien, ou presque.

N’ayons pas peur! Ne craignons pas de nous mettre en jeu: c’est en exprimant nos pensées et nos ressentis très profonds que nous touchons aux imaginaires collectifs, sociaux, absolument politiques.(23) Permettons-nous d’être honnêtes et exigeant-e-s.(24) Ne craignons pas d’être “radicaux” au sens premier du terme: nous pouvons assumer, et porter avec nous partout où nous communiquons, la question des racines des problèmes sociaux, traditionnellement abordée sans convictions, sans vie, sans espoirs. Si nous pensons paraître surprenant-e-s et incompris-es, nous pouvons prendre le temps de nous expliquer directement, par d’autres canaux que les médias de masse. Ne parlons pas avec les “gens” comme à des veaux: nul besoin d’attitudes infantilisantes, moralisatrices, écrasantes ou doucereuses. Dès lors que l’on choisit de rencontrer un individu en dehors de sa fonction, quel qu’il soit, pourvu qu’on se pose d’égal-e à égale, qu’on gratte pour dépasser les pensées convenues de nos milieux sociaux respectifs, qu’on cherche précisément ce qui nous rapproche et ce qui nous sépare, il y a de fortes probabilités pour que l’échange soit de qualité.

Cessons d’avoir peur : la balle est toujours dans notre camp.(25) Dès maintenant, en matière de communication comme dans beaucoup d’autres domaines, nous sommes capables d’inventer des choses étonnantes, révolutionnaires, justement parce que nous portons des valeurs et des questionnements infiniment vivants. Il suffit d’en prendre conscience, gagnons en confiance, en audace, en plaisir, en force, allions-nous dans la durée, n’ayons pas peur de passer à l’offensive.

Face à l’ordre établi, ne nous préoccupons pas d’être crédibles : soyons menaçant-e-s.

 

NOTES

1. Lire par exemple un récit de la coordination nationale étudiante d’Aix-en-Provence, 25/03/2006: Mais où est passé le mouvement réel?
https://infokiosques.net/IMG/pdf/MouvementReel.pdf

2. La dissociation entre “bonne-s” et “mauvaises” manifestant-e-s est un triste point commun entre les organisations citoyennistes et les discours des autorités. Elle fait le lit de la division et de la répression dans le mouvement.

3. “Le langage véhicule des manières de considérer le monde, politiquement marquées, de par ce qu’il nomme et tait, les divisions qu’il trace, les précisions qu’il autorise ou qu’il élude. Comme toutes les lois humaines, les règles de grammaire méritent d’être questionnées et parfois transgressées, et notamment quand elles rayent de la surface d’un papier la moitié des sujets, en faisant prédominer le masculin sur le féminin.” Voilà pourquoi ce texte est presque entièrement “féminisé”.

4. Par exemple, lors de l’expulsion des cabanes du parc paul Mistral, l’hiver 2004 à Grenoble, des jeunes masquées et des papys-mamys du quartier se prêtaient main forte face aux CRS, sans l’once d’une animosité ou d’une crainte, alors qu’une telle image fait souvent grand scandale dans les médias.

5. “Il faut ne pas franchir les “lignes jaunes” préalablement tracées par les journalistes, au-delà desquelles, affirment-ils, “l’opinion” va lâcher le mouvement: le piquet de grève, parce que la grève entrave le droit au travail; l’interruption des examens, parce qu’elle contredit le droit aux études; l’annulation des festivals, parce qu’elle met en cause le droit au loisir, etc.” Serge Halimi, De l’à propos des médias et du comportement militant.

6. Pour une critique plus approfondie des médias, voir les sites http://acrimed.org et http://homme-moderne.org. Lire également Techniques de désinformation, manuel de lecture critique de la presse, sur https://www.infokiosques.net/spip.php?article148. Une école de la critique des médias propose un cycle de 6 rencontres à Grenoble, durant le printemps 2006: http://grenoble.indymedia.org/index.php?page=evenement&id=658 [lien mort].

7. “Jamais les liens entre la presse et l’argent n’ont été aussi prononcés; jamais cependant la critique des médias par ceux qui revendiquent “un autre monde” n’a paru aussi apeurée, honteuse, inexistante. Le paradoxe est terrible: la critique des médias est un élément fondateur de la critique du capitalisme et de la société de consommation. Or cette critique est ignorée ou torpillée depuis des années par les chefs médiatisés de cette contestation, dont certains ont accepté de se prêter à toutes les mises en scène médiatiques.” Serge Halimi, De l’à propos des médias et du comportement militant.

8. C’est ainsi qu’a terminé la petite manif anti-répression du 7 avril 2006 à Grenoble.

9. C’était le cas des militant-e-s d’ATTAC dans la manif du 4 avril 2006 à Grenoble.

10. “Peut-on, en matière de communication, employer des moyens frauduleux au service de fins éthiques? (…) Puisque chacun manipule chacun, n’est-ce pas, comment convertir ce mal en bien, et positiver dans le sens de la modernité? Quelle question! Quelle tentation! Que répondre à cela? Rien. On se contentera de mettre en question la question...”  François Brune, L’éthique de la manipulation, http://infokiosques.net/spip.php?article=219 [lien mort].

11. Yves Collonges, Pierre Georges Randal, Les autoréductions: Grèves d’usagers et luttes de classes en France et en Italie (1972-1976), pp.108-109. L’auto-réduction est un acte collectif et volontaire, qui consiste à refuser de payer les prix demandés par les entreprises: on paye soit l’ancien prix (quand celui-ci vient d’augmenter), soit moitié prix, soit rien.

12. Lire à ce sujet l’histoire du groupe Reclaim the Streets, en anglais ici: http://www.eco-action.org/dod/no6/rts.htm. Lire aussi la brochure en français de Nico, Road protests, 4 années de lutte radicale contre la construction routière et la destruction des milieux naturels en Angleterre, disponible à prix libre auprès de Zanzara athée, zanzara@squat.net.

13. “Le 2 novembre (...) trois amis amateurs d’escalade et accrobranchistes montent dans un platane au centre de la zone du parc qui doit être détruite. Encouragés par des membres de SOS PPM, ils pensent sans doute rester là une semaine, le temps de créer l’événement médiatique, avant de redescendre.” in Récits et analyses de l’occupation du parc Paul Mistral pendant l’hiver 2003/2004 à Grenoble, https://infokiosques.net/lire.php?id_article=230

14. Ce qui veut dire, sans doute, travailler moins, le moins possible... Entre les cadences performantes du boulot et le repos “bien mérité” le soir entre quatre murs, il reste souvent bien peu de forces et de disponibilité pour des discussions impromptues. Pour des critiques intéressantes du travail, lire le Manifeste contre le travail: https://infokiosques.net/lire.php?id_article=27 ou celui des chômeurs heureux.

15. Attention tout de même aux “badauds” des Renseignements Généraux…

16. “Et si tou·te·s les manifestant·e·s occupé·e·s à dénoncer leurs voisin·e·s lanceurs et lanceuses de pavés, sous prétexte que “personne ne va comprendre”, consacraient un dixième de ce temps-là à expliquer, à faire en sorte que les personnes en question puissent comprendre; à se montrer en solidarité, à assumer ces actions comme composante du mouvement?” Un étudiant, “casseur” à ses heures, in Violence, vous avez dit violence? http://www.collectif-rto.org/spip.php?article58&lang=fr

17. Je sais que beaucoup de personnes en lutte sont fatiguées de discuter avec leurs détracteurs et détractrices, d’entendre toujours les mêmes arguments faciles, d’essayer courtoisement de s’expliquer. Je le comprends, et je redoute moi aussi le risque, en s’engageant dans cette direction, de passer ses journées entières à devoir se justifier. Mais je pense que le jeu en vaut la chandelle. Et aussi, qu’en partageant davantage un désir de communication directe, ce genre d’efforts pourraient être portés par plus de monde, et  s’alléger pour tous et toutes.

18. Par exemple, à Grenoble.

19. “Le Don à l’étalage (D.A.E) est une pratique de piratage du système marchand qui consiste à déposer des objets gratuits dans les rayons des commerces, sans autorisation. On peut ainsi, comme le fait la fondation Babybrul, mettre des CD gravés gratuits dans les bacs des grands disquaires, des brochures photocopiées gratuites dans les rayons “nouveautés littéraires”, des DVD gravés ou des K7 vidéos dans les rayons blockbusters...” La suite ici: http://www.uzine.net/article2086.html.

20. Lire à ce sujet: François Brune, Ces événements qui n’existent pas https://infokiosques.net/lire.php?id_article=220

21. “Les consommateurs interagissent entre eux et sont très sensibles aux recommandations ou critiques de leurs semblables... Acheter demeure un processus social, où l’opinion de notre entourage, le bouche-à-oreille est déterminant.” http://www.culture-buzz.com/contexte_da_c_finition_et_principes/quelques_da_c_finitions_article48.html [lien mort].Consulter à ce sujet le site édifiant du marketing “alternatif”, http://www.culture-buzz.com

22. Parmi les inspirateurs de cette partie, je signalerais le petit texte De la dépossession à l’autonomie en matière de communication,
http://squat.net/fr/archive/toulouse-depo_a_auto.txt

23. “Il y a une réticence à prendre au sérieux nos propres pensées, c’est-à-dire à les vivre collectivement, et déjà à nous les dire, pas les connues, les officielles, pas celles qui justement répriment les pensées secrètes, créatrices, fragiles, qui cherchent des complices. (...) Nous sommes habitués à vivre “à la colle” avec plein de pensées floues, qui ne permettent pas de claire prise de position.” Un ami, 2005.

24. Par exemple, au cours de ce mouvement anti-CPE, quelques rares textes sortent du lot parce qu’ils me semblent porter cette honnêteté et cette exigence: Le Monde se referme-t-il? Pousser le monde qui s’écroule. Mais où est passé le mouvement réel?
https://infokiosques.net/lire.php?id_article=332. Précarité, salariat, travail: que faire d’un mouvement social? http://grenoble.indymedia.org/2006-03-06-Precarite-salariat-travail-Que. Chronique d’une mort salariée http://grenoble.indymedia.org/2006-03-09-Chronique-d-une-mort-salariee

25. “Un bon exemple de cet état d’esprit est celui des travailleurs italiens qui se sont mis en grève sans avancer aucune revendication. Ces grèves ne sont pas seulement plus intéressantes que les négociations bureaucratiques syndicales habituelles, elles peuvent aussi s’avérer plus efficaces: les patrons, ne sachant pas quelles concessions seraient suffisantes, finissent souvent par offrir beaucoup plus que les grévistes auraient osé demander. Ceux-ci peuvent alors décider de la suite à donner à leur mouvement, n’ayant pas consenti à des compromis qui limiteraient leurs initiatives. Une réaction défensive contre tel ou tel symptôme social aboutit au mieux à une concession temporaire sur la question particulière qui est en cause. L’agitation offensive qui refuse de se limiter exerce une pression beaucoup plus importante. Se trouvant confrontés à des mouvements généralisés et imprévisibles, comme la contre-culture des années 60 ou la révolte de Mai 1968 — des mouvements qui mettent tout en question, qui engendrent des contestations autonomes sur plusieurs fronts, qui menacent de se répandre partout dans la société et qui sont trop vastes pour être contrôlés par des chefs récupérables —, les dirigeants s’empressent d’améliorer leur image, de faire passer des réformes, d’augmenter les salaires, de libérer des prisonniers, d’accorder des amnisties, d’amorcer des pourparlers de paix ou d’autre chose, et en somme de faire tout ce qui leur semble nécessaire pour reprendre la situation en main.” Ken Knabb, La Joie de la révolution, http://www.bopsecrets.org/French/joyrev.htm

ANONYME
http://grenoble.indymedia.org/2006-04-10-Credibilite-quand-tu-nous-tiens
(Grenoble, 10 avril 2006)

 


 

Victoire!


Le MEDEF, organisation patronale représentative, tient à exprimer par ce communiqué toute sa satisfaction des derniers évènements.

En effet, le retrait du CPE a parfaitement joué son rôle d’os jetté en pature aux syndicats, avec la complicité des médias.Cette manœuvre a 
permis de sauvegarder ce qu’il y a d’essentiel pour nous dans la loi de l’égalité des chances et dans les mesures précédentes: CNE, apprentissage à 14 ans, travail de nuit à 15 ans, travil de nuit des femmes, RMA, CIVIS…

L’essentiel de notre projet de flexibilité et de précarité généralisée est ainsi sauvegardé!

Par ailleurs, nous sortons encore une fois grands vainqueurs, puisque les aides directes et indirectes aux employeurs (diminution de charges 
sociales, subventions à l’embauche…) vont être augmentées. Vu ce résultat net, nous demandons l’ouverture sans tarder de nouvelles négociations!

Un tel succès n’aurait pas été possible sans le soutien continu et appliqué des syndicats, qui ont fait tout leur possible pour éteindre ce 
mouvement social. Qu’il se soient remerciés par une augmentation substantielle de leurs subventions.

En effet, le grand danger pour nous aurait été que la contestation globale qui a émergée à l’occasion de ce mouvement s’étende et s’amplifie, 
sur les mêmes bases autonomes, sans syndicats ni organisation politique, structuré en assemblées générales décentralisées, et pratiquant les actions directes de blocages mobiles.

La grève générale a été évitée, tout est bien qui finit bien.

Nous savons que nous pouvons compter sur les partis politiques de tout bord pour empêcher toute reprise du mouvement en appelant à attendre les élections de 2007.

Vive la France, Vive la République,

Vive la flexibilité et la croissance,

Et surtout vive l’argent!

PS: nous n’oublierons pas non plus de remercier le ministre de l’intérieur, pour avoir su matraquer, arrêter et ficher tous ces jeunes révoltés  qui de toute façon n’auraient pas été des travailleurs dociles et obéissants.

Signé: Le Comité Exécutif du MEDEF
10 avril 2006

(p .c.c. : Collectif Libertaire du Val d’Oise)


____________________________
Collectif Libertaire du Val d’Oise
BP 70118
95816 CERGY PONTOISE Cedex
makhno-cergy@tele2.fr

 


Documents sur le mouvement anti-CPE en France (fevrier-avril 2006). Versions originales des textes traduits sur ce site. Cette dernière page comprend également de nombreux liens à des sites français — tracts, articles, photos et vidéos. Voir aussi les Graffiti du même mouvement, ainsi que Réflexions sur le soulèvement en France de Ken Knabb. Plusieurs de ces documents ont également été traduits en italien: Documenti della sollevazione anti-CPE in Francia.


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